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Est-ce bien légal d’éviter les contrôles dans les trains et métro grâce à Facebook ?

Aurore Peignois

Aurore Peignois

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Depuis plusieurs mois, des groupes Facebook ainsi que des comptes et hashtags Twitter émergent afin d’alerter les voyageurs des contrôles réalisés dans les transports en commun. D’autres posts annoncent également aux conducteurs où se trouvent les radars mobiles. Mais que risquez-vous légalement ?

Rien, pour le moment, mais le dossier est assez compliqué. Depuis de nombreux mois, des groupes Facebook et des comptes Twitter deviennent particulièrement populaires. On n’y échange aucune photo de femmes légèrement dévêtues ou de potins sur une star de la chanson, mais bien la description sommaire et la géolocalisation précises de … beaux grands et forts agents de contrôle des tickets de transport.

Est-ce bien légal d’éviter les contrôles dans les trains et métro grâce à Facebook ?

« Faire des trous, des petits trous »

Pour ceux qui n’ont pas poinçonné leur ticket à la station des Lilas, l’amende est parfois sévère. Mais face au coût en constante augmentation des sésames des transports en commun, la tentation est grande de frauder (ou d’avoir “malencontreusement oublié son abonnement à la maison où le chien l’a justement dévoré après qu’il soit passé à la machine à lessiver alors que vous l’aviez laissé dans votre sac de sport parti avec votre petite sœur au cours de dessin”).

« Les Français parlent aux Français »

En 2014 et à court d’excuses, certains utilisateurs des bus, trams, trains et métro se sont dit, qu’au lieu de raconter une belle histoire à leur contrôleur adoré, ils préféraient tout simplement l’éviter. Loin des yeux, loin du cœur. C’est ainsi qu’ils ont misé sur la solidarité d’autres voyageurs et leur addiction aux réseaux sociaux pour mettre en place des comptes qui annonceraient en temps réel la tenue des contrôles. Et le succès est plutôt au rendez-vous.

En Belgique un compte Twitter annonce les contrôles à Bruxelles

Au voleur !

C’est ainsi qu’à Nice, le groupe Facebook Tram & Bus / Nice / Solidarité aux sans tickets soutient les navetteurs en leur donnant leur ticket toujours valable ou la position des contrôleurs. Avec ses 2.000 membres actifs, difficile d’être désormais contrôlé par surprise. Face à l’ampleur du phénomène, les pouvoirs publics ne savent plus que faire: «C’est un site de voleurs», lâche dans Nice-Matin Phillipe Pradal, le premier adjoint du maire de Nice, Christian Estrosi.

«On a 90.000 voyageurs qui payent leurs titres de transport, je ne vois pas pourquoi il en serait autrement pour certains. En ne payant pas, ces usagers représentent un coût pour la collectivité et les habitants. C’est pourquoi j’ai saisi le Procureur de la République lundi pour qu’il puisse pénalement qualifier cette fraude 2.0 et pouvoir entamer, si possible, des poursuites», conclut l’élu dans Le Figaro.

Ce mouvement des traqueurs touche plusieurs grosses agglomérations comme Paris et surtout Montpellier. « Et curieusement ce n’est pas dans la capitale que le système de guet prospère. Sur Facebook,  dans le groupe ‘Info contrôleurs Montpellier’ , le nombre des abonnés atteignait les 30 828 lundi matin. La TAM (Transports de l’agglomération de Montpellier), qui dispose de 80 agents et 16 policiers pour assurer les contrôles, prévoit de renforcer le dispositif pour réduire le pourcentage des fraudeurs (13%) », note Le Parisien.

Mais que risquent réellement ces lanceurs d’alertes ?

Vu la nouveauté de ce problème 2.0, il n’y a aucune jurisprudence en la matière. Si on s’inspire d’un procès en cours dont on attend le verdict le 3 décembre prochain, l’argumentaire des avocats de la défense pourrait être applicable aux membres et administrateurs du groupe « Solidarité aux sans tickets ».

En septembre dernier, comme nous vous l’expliquions sur Softonic, 15 personnes se sont retrouvées devant la justice pour avoir créé et animé un groupe Facebook qui alertait les membres de la communauté de la position des radars dans l’Hexagone. En France et plus spécialement dans l’Aveyron, où le Tribunal correctionnel a entendu les prévenus, l’affaire fait grand bruit. Il faut dire qu’elle pourrait faire jurisprudence également pour les instruments qui signalent les contrôles tels que le Coyote. Une entreprise et un business prospères sont donc, d’une certaine manière, sur la sellette.

Un vide juridique lourd de conséquences

Concrètement, la Loi déclare qu’il n’est pas interdit à un conducteur d’avertir ses semblables de la présence d’un radar. Par contre, ce dernier ne peut pas détenir ou utiliser un appareil qui décèle un contrôle routier. Et parce que l’article de loi du code de la route est assez flou, Coyote et d’autres détecteurs sont passés à travers les mailles du filet. SI le tribunal de Rodez estime qu’un smartphone fait partie de ce type d’appareils, les conséquences seront toutes autres. Et pour revenir à nos alerteurs de contrôles dans le métro, cette décision pourrait peut-être aussi faire la différence…

Me Antoine Régley, spécialiste en droit routier cité par Libération estime que « la page Facebook des internautes aveyronnais ne relève pas de ce règlement. «Sauf à considérer que le smartphone ou l’ordinateur sont des appareils avertisseurs – ce qui serait tiré par les cheveux – il ne s’agit ni plus ni moins d’une information citoyenne partagée sur Internet.» Me Jean-Baptiste Iosca, avocat au barreau de Paris, renchérit : «Tout un chacun peut en toute légalité créer une page Facebook et y partager des informations. Il n’y a aucun texte de loi permettant de condamner un automobiliste solidaire. »

Le 3 décembre prochain, les 15 aveyronnais seront fixés sur leur sort. Ils risquent une brève déchéance du permis de conduire. Quant aux groupes d’alertes pour éviter les contrôles dans les transports en commun, l’affaire suit son cours.

Suivez l’auteure sur Twitter : @zariauruore

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